Pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour, je m’appelle Olivier Michaut, je suis président de l’Association Nationale des Mouvements des Sourds de France. Depuis 20 ans je suis engagé politiquement pour défendre les droits des sourds, en particulier dans les domaines de l’emploi et de l’accessibilité.
Pour vous, que représente la langue des signes française ?
La langue des signes est une langue à part entière, naturelle et riche. Elle apporte une grande diversité culturelle et sociétale, ainsi que de nombreuses innovations. Pour moi, elle est essentielle et naturelle. C’est ma langue maternelle, celle avec laquelle j’ai grandi. La langue des signes française est une véritable langue qui mérite d’être respectée. Elle est intrinsèquement liée à la culture et permet aux personnes sourdes d’être plus autonomes et de participer pleinement à la société. Passer par l’écrit peut être nécessaire, mais l’expression écrite n’est pas naturelle pour tout le monde. La langue des signes est essentielle pour les droits des sourds car elle permet d’exprimer son identité et de transmettre précisément ses pensées et sentiments.
Une personne sourde communique-elle toujours grâce à un interprète ?
Pour les entendants qui ne connaissent pas la LSF, il est important de comprendre que la langue des signes est une culture et une nécessité pour les sourds. Dans quelques situations, on a besoin d’un interprète, mais en raison de leur déontologie, les interprètes restent neutres et distants, ce qui peut limiter la connexion émotionnelle d’un échange. Les interactions directes entre personnes sourdes sont possibles et sont souvent plus efficaces. Par exemple, dans des services comme l’assurance ou la banque, la communication directe permet de gagner du temps et de mieux se comprendre grâce aux émotions transmises. Il est intéressant de réfléchir à des moyens économiques et sociaux pour améliorer et faire évoluer l’accessibilité des sourds. Il faudra réserver les interprètes pour les situations où on ne peut pas communiquer en direct avec un agent sourd. Ils ne remplacent pas les sourds ; ils facilitent la communication.
Selon vous, quels sont les avantages d’une communication directe en LSF sans intermédiaires ?
La communication directe en LSF améliore la qualité des échanges, et permet aux personnes sourdes de créer des liens et d’établir une relation de confiance, ce que les intermédiaires, souvent limités par leur rôle de neutralité, ne peuvent pas toujours transmettre. Je me souviens d’une fois où, en appelant ma banque, j’ai eu la chance de tomber sur un conseiller sourd. Cela m’a vraiment fait du bien. Avant, j’avais l’habitude de passer par un interprète ou de communiquer par e-mail mais cela pouvait prendre plus de temps pour obtenir une réponse, parfois une semaine. De plus, je n’étais jamais certain que ma demande soit bien comprise. Comme le français n’est pas ma langue maternelle, je me demandais si j’avais utilisé le bon mot ? Est-ce qu’en fait, s’ils allaient comprendre ma demande ? Et ça, c’était assez fatigant. Donc, lorsque j’ai pu échanger directement avec un conseiller sourd, la communication a été beaucoup plus fluide, et mon problème a été résolu rapidement.
Il y a 35 % de personnes sourdes signantes qui sont sans emploi aujourd’hui. Quelles sont les solutions à mettre en place pour y remédier ?
Pour les personnes sourdes sans emploi, l’absence de formations accessibles représente un obstacle majeur et le manque d’interprètes contribue à cette situation difficile. Cela me fend le cœur, de constater que des personnes se retrouvent encore bloquées à cause de ça. Il est crucial de réfléchir à des solutions pour améliorer l’accessibilité. Le problème de la disponibilité des interprètes est un enjeu réel et préoccupant. Il est essentiel que les écoles offrent des cours de Langue des signes française dès le plus jeune âge, afin de permettre aux personnes sourdes d’accéder aux études supérieures et aux opportunités professionnelles.
Est-ce que vous voulez nous partager un ou plusieurs de vos espoirs ? Comment voyez-vous la situation dans cinq ou dix ans ?
La technologie pourrait permettre une plus grande uniformité de la LSF. Autrefois, de nombreuses variantes régionales existaient, mais à l’avenir, il est possible qu’elle soit standardisée, facilitant ainsi la compréhension mutuelle entre sourds et entendants.
J’ai de l’espoir que nous arriverons à adresser les besoins d’accessibilité dans les écoles. Je pense qu’il est crucial de réfléchir à ce sujet, en tenant compte des supports pédagogiques, des outils et du matériel. Il est important que des professionnels assurent une éducation directement en LSF. Sans accessibilité à l’école, les entreprises et les associations seront fragilisées, rendant les choses compliquées. Tout doit être lié : il faut trouver des solutions dans tous les domaines, écouter les besoins, essayer d’uniformiser les pratiques et avancer ensemble vers un même objectif, sans divisions.
Merci beaucoup pour ce partage.
Merci beaucoup. Merci. C’était un réel plaisir et merci de m’avoir invité et accueillie.